Il y a peu de jeux qui m'ont vraiment marqué sur la génération précédente. Lords of Shadow premier du nom fait parti des rares élus. Je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler un fan de Castlevania: je connais la série de nom, j'ai fait Symfony of the Night sur le tard, quand il est ressorti sur le Xbox Live, j'ai joué à quelques épisodes sur Gameboy Advance puis sur DS, mais jusqu'à présent la série était plus un "nom connu" qu'un ensemble de jeux légendaires pour moi. Lords of Shadow a changé la donne. Avec cet épisode, j'ai pu (re)découvrir la série, mais d'une manière différente. Ce jeu est aussi l'un des rares exemples qu'un studio occidental peut réussir à faire quelque chose de bien avec une licence japonaise, et même y apporter sa touche personnelle pour en faire quelque chose d'unique et de bon. J'attendais donc cette suite, obligatoire après la fin surprenante du premier, avec beaucoup d'impatience. Je ne me demandais pas si Mercury Steam allait ou non réussir à faire un bon jeu, mais plutôt où ils allaient m'emporter avec cette suite et quelles surprises m'attendraient. J'étais loin de me douter que ma seule surprise allait d'être déçu par un studio qui avait pourtant prouvé qu'il était à la hauteur de la série... jusqu'à maintenant.

 

 LoS2 commence, à peu de choses près, là où s'était arrêté Lords of Shadow: Gabriel, devenu Dracula, se réveille à notre époque, affaibli, alors que Satan s'apprête à faire son retour. Zobek propose à l'ancien guerrier de la lumière, devenu immortel et vampire dans le premier épisode, un marché. S'il empêche la résurrection de Satan, il lui accordera la seule chose qu'il désire: pouvoir mourir. Une récompense suffisante pour motiver le Prince des Ténèbres à repartir combattre démons et autres créatures maléfiques.
On retrouve assez vite nos marques lors des combats qui reprennent les même bases que LoS, à savoir du Beat Them All de qualité où les ennemis sont assez coriaces et où il faut habilement se servir de l'esquive, de la parade et des magies du vide (regain de vie) et du chaos (dégats plus lourds). Les deux nouvelles armes, l'épée du vide et les griffes du chaos ne sont que l'équivalent des deux magies du premier épisodes, avec quelques nouveaux coups et des projectiles. L'arme principale reste le fouet, bien que l'on joue Dracula et non un tueur de vampire, qui est composé de sang corrompu cette fois. On peut bien sur améliorer ses capacités et en débloquer de nouvelles via les points gagnés en combat, et aussi augmenter sa vie et ses jauges de magies en collectant des pierres précieuses. Bref, rien d'original, mais ça reste efficace.
Pour tout le reste en revanche, le jeu a beaucoup changé. On évolue désormais dans un monde plus ouvert et de nouvelles phases de jeu, l'infiltration par exemple, ont fait leur apparition. D'une manière générale, le jeu semble beaucoup plus ambitieux, avec deux mondes différents servant de terrain de jeu: le monde moderne et le chateau de Dracula, se situant dans le passé. Le problème, c'est que toutes ces idées, qui font surement de bons ajouts sur le papier, sont mal exécutées.

Tout d'abord, le monde moderne. Lorsque j'ai découvert, stupéfait, que Dracula se réveillait à notre époque à la fin de LoS, j'étais super excité, je me demandais comment ils allaient gérer ça, comment ils allaient me surprendre! En jeu, c'est la douche froide. Le premier constat, immédiat, c'est que Mercury Steam n'aurait jamais du s'éloigner de l'univers Castlevania tel qu'on le connait. S'ils avaient su reprendre à la perfection les codes et le bestiaire de la série dans le premier épisode, ce monde moderne qui leur donnait l'occasion de proposer quelque chose d'unique et de jamais vu dans la série montre à quel point, sans modèle, ils ne sont pas capables de faire quelque chose de bien. La direction artistique du monde moderne est une catastrophe. Si les décors passent (ils ne sont pas originaux, mais pas moches non plus), les ennemis donnent l'impression d'être issus d'un film de science fiction à petit budget. Laissez moi vous donner une idée: on croise des soldats qui ressemblent aux spaces marines de Starcraft, des scientifiques avec des tenues "radioactives", des soldats avec des jet-pack et des masques à gaz ou carrément des mechas au design peu inspiré. Quant aux monstres, on dirait des espèces de zombies sans grande originalité. C'est principalement ce qui a rendu cette partie "moderne" insupportable pour moi. La question que je me pose, c'est comment on passe d'un design de monstres aussi bien fait que celui de LoS à ça? Je me demandais si j'étais toujours dans le même jeu...

Si encore ça s'arrêtait au design. Mais non! Le level design et le gameplay sont du même niveau. Dans le monde moderne, on passe notre temps à faire deux choses: s'infiltrer discrètement dans des batiments et activer des générateurs trois fois de suite pour enfin prendre un ascenseur ou ouvrir une porte. L'infiltration, nouveauté de cet épisode, aurait aussi bien fait de ne jamais exister. Elle consiste à deux choses: envoyer des chauves souris, tel Batman, sur les ennemis pour les déconcentrer, ou se transformer en rat. Tout ça dans le but, dans 99% des cas, de prendre possession d'un ennemi pour passer un scan rétinien et pouvoir accéder à la pièce suivante. Si les ennemis nous voient, on meurt immédiatement, et si on meurt, on recommence depuis le début. C'est souvent très frustrant. Quant aux énigmes, c'est le niveau zéro absolu de l'énigme de jeu vidéo. Dans la plupart des cas, on doit baisser un levier qui réactive le courant dans un immeuble, pour pouvoir aller appuyer sur un bouton qui ouvre une porte ou qui fait monter un ascenceur. De base, ça ne vole pas très haut, mais les développeurs ont trouvé le moyen de rendre ça encore pire! Attention mesdames et messieurs, petit cours de game design: comment rendre un joueur fou. Placez le levier qui active le courant à un point A et la porte à un point B. Mettez le point A à deux étages et trois couloirs du point B. Mettez une limite de temps après laquelle le courant s'éteint automatiquement. Mettez des monstres entre le point A et le point B. Faites revenir les monstres. Deux fois. Frustration garantie! Hey, au fait, je vous ai parlé des ennemis qui utilise des mitrailettes qui tirent plusieurs balles qui stoppent net notre pauvre Dracula et le projette en arrière comme si il venait de se prendre un coup de fusil à pompe? Et qu'en général il y a quatre monstres qui en ont par "groupe" et qu'ils spamment ça? Non? Une autre fois peut être.

Heureusement, il y a ces phases dans le passé. On retrouve notre bon vieux Castlevania, ses décors gothiques sombres et majestueux, ses créatures maléfiques horriblement répugnantes, mais d'une belle manière et l'impression d'être dans la suite de Lords of Shadow. Mais c'est quelque peu gaché par le fait que les phases d'infiltration finissent par s'infiltrer dans cette partie du jeu aussi, que l'on y passe finalement peu de temps sur l'ensemble du jeu et aussi... que ce n'est absolument pas bien justifié ni expliqué scénaristiquement. Bien que ce soit la seule partie agréable du jeu, et la seule chose qui le "sauve", je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'au final il n'y a pas vraiment de raison que ce soit là.
Mais qu'y a t il de bon dans ce LoS2 au final? Et bien, pas grand chose. Il faut vraiment se forcer à chercher pour découvrir quelques bons cotés. Les combats d'abord, quand on affronte pas des ennemis du futur abusés/casses burnes. Ils sont aussi plaisants qu'ils l'étaient dans le premier jeu. Les boss ensuite, quelque soit l'époque. Les combats contre les boss sont épiques, assez difficiles,  et bien faits niveau gameplay, avec plusieurs phases et l'utilisation intelligente de certains pouvoirs. Ils proposent un bon défi et on en sort avec un sentiment de puissance et de satisfaction vraiment agréable. L'exploration est agréable également. On se sent vraiment dans un Castlevania, avec des trésors ou potions cachés dans des objets destructibles, des pièces cachées, des endroits accessibles avec certains pouvoirs et des défis secrets qui n'attendent que d'être découverts. L'exploitation du monde ouvert est assez bonne je dirais.
Mais c'est tout, malheureusement. La liste de ce qui est bien dans cette suite est aussi courte que ça. L'histoire? Une véritable déception. Alors que le premier nous contait une histoire simple, mais assez romantique, épique, sombre et avec un twist final surprenant, LoS2 me fait penser à ces films nazes dont le scénario est faussement compliqué et avec des personnages surjoués dont on comprend immédiatement la personnalité qu'ils ont et le cliché qu'ils représentent. Pour être franc, si Konami annonçait un épisode de la série fait par Platinum Games, le scénario de ce jeu ressemblerait à un chef d'oeuvre comparé à celui de LoS2...
On a aussi ce sentiment d'un jeu "best of" où on fait revenir un peu tout le monde, même les morts, pour le grand final. A vrai dire, seul deux personnages m'ont plu. Alucard, parce qu'il ne parle pas trop (pratique, pour éviter de dire des conneries) et Dracula, parce que d'une certaine façon j'ai réussi à m'identifier à lui. Pas de la façon dont l'avait prévu les développeurs, je pense. Son ennui éternel, son désir d'en finir, de quitter ce monde... Et bien, je m'ennuyait aussi, j'étais aussi lassé que lui de parcourir ce monde et je n'avais qu'une envie: que ça se termine. Pauvre Dracula, même lui fini par être humilié dans ce jeu, dépossédé de sa personnalité et se transformant en mauvais acteur de mauvais film à son tour. Triste.

Je sais que tout ça peut paraitre dur, mais j'ai vraiment ressenti quelque chose de désagréable en parcourant ce jeu. L'impression que tout était fait pour m'énerver/me dégouter/me frustrer, ou que les développeurs  étaient juste très mauvais. En fait, quand je pense au plaisir que j'ai eu à jouer à LoS et à l'horreur qu'a été cette suite, j'en viens à me demander si ce sont les même développeurs... Pour illustrer mes propos, voici quelques exemples de détails qui m'ont énervé.
Les incohérences de l'univers du jeu, déjà. Au début du jeu, Dracula utilise l'infiltration car il est faible. Ok, c'est crédible. Bon, ensuite il retrouve ses pouvoirs, défonce des démons qui font la taille d'un immeuble et des créatures vraiment très fortes. Pourtant, on se retrouve encore à devoir s'infiltrer face aux spaces marines boostés aux hormones. Ils nous tuent toujours en deux coups de fusil. Donc en gros, si on suit la logique du jeu, les deux chauves qui gardent la porte du bas de l'immeuble sont plus forts que les super serviteurs de Satan. Si j'étais à la place des sbires de Satan, j'aurais mis ces gardes partout! J'ai du mal à croire qu'on puisse à ce point s'asseoir sur la cohérence. Mais je dois dire que dès le début du jeu, les développeurs ont fait fort. Je viens de me prendre des flammes crachées par un boss géant en pleine face sans avoir subi aucun dégat (et ouais, je suis Dracula!), mais je suis coincé par des petites flammes qui sortent d'un tuyau de gaz. Pourquoi? Pour nous faire utiliser un pouvoir qui bloque les flammes.
Et il y a le manque de finition qui donne lieu à des situations énervantes aussi parfois. Des "checkpoint" mal placés. La flèche qui indique où l'on doit aller mais qui nous montre un endroit bloqué au lieu de montrer le chemin pour aller de l'autre coté. La plateforme assistée mais qui ne l'est pas tant que tu ne t'accroches pas au mur, sachant que le "point" pour s'accrocher, tu dois vraiment tomber pile dessus, pour t'accrocher. Les "pièges" lors des phases de plateforme qui sont juste chiants et frustrant vu qu'ils nous achèvent après un combat difficile ou nous affaiblissent avant. Les QTE hors combat complètement ridicules, genre un QTE par tour de manivelle pour ouvrir une porte (sachant qu'il en faut cinq pour l'ouvrir). Les phases de jeu tellement mal faites/mal expliquées qu'il faut recommencer plusieurs fois, dans la douleur, avant de réussir et de comprendre. Pas de soin ou de régénération de magie avant le combat contre le boss final, alors qu'il y en avait quasiment avant chaque "gros boss" et qu'on se tape de la plateforme "piégée" qui fait mal et un combat contre des monstres qui tapent fort juste avant. Le sentiment que le jeu pioche un peu partout son inspiration ("spaces marines" et démons du futur qui ressemblent à des Zerg, sortis de Starcraft, chauves souris à la Batman, etc...). Et que des trucs comme ça, qui m'ont rendu fou et qui me laisse la désagréable impression que le jeu a été à la fois mal pensé et à la fois fini à la pisse.
Le coup de grâce étant Dracula. Oui, Dracula. L'argument principal du jeu. Ce pauvre Dracula. Le jouer, pourquoi pas, mais si c'était pour en faire ça... Qu'est ce que ça nous apporte de jouer Dracula? On ne joue pas le charismatique personnage qui règne sur un chateau lugubre rempli de créatures de la nuit toutes plus effrayantes les unes que les autres. Le terrible boss qui sort des pouvoirs magiques et des attaques de folies. La seule chose qui nous donne un peu l'impression de jouer Dracula, ce sont les cinématiques et les exécutions gores et horribles qu'il réserve à ses enemis. Et le fait de regagner de la vie en se nourissant de leur sang quand ils sont affaiblis. Mais c'est tout. Jouer Dracula n'apporte pas vraiment grand chose de plus que de jouer Gabriel, en plus pale et avec des dents plus pointues. Une vraie déception. Mais qu'est ce qui ne l'est pas dans ce jeu, après tout?

 

Quel est le mot qui définirait le mieux ce Lords of Shadow 2? J'hésite entre déception, frustration ou nul. Quoiqu'il en soit, je n'imaginais pas Mercury Steam se rater à ce point... LoS2 ressemble plus à un mélange de mauvaises idées qui ne marchent même pas ensemble qu'à un jeu. Même si certains aspects restent agréables, il y a tellement de choses mal faites ou juste stupides dans ce jeu que je ne le conseillerais à personne. Surtout pas à ceux qui ont aimé le premier. Non, rendez vous service, et évitez ce jeu à tout prix. Gardez vos bons souvenirs de Lords of Shadow et faites comme s'il n'y avait jamais eu de suite. C'est mieux comme ça. Finalement, après avoir fait ce jeu, je suis content que ce soit le dernier épisode développé par Mercury Steam. Le massacre s'arrêtera là au moins.